L’Initiative : retour sur 10 ans d’engagement contre les pandémies

L’Initiative : retour sur 10 ans d’engagement
contre les pandémies

Éric Fleutelot, directeur technique du pôle grandes Pandémies au département Santé d’Expertise France revient sur la pandémie de Covid-19 et le rôle de la coopération internationale à  travers les actions de L’Initiative. Financée et placée sous la tutelle du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, L’Initiative est mise en œuvre par Expertise France et elle appuie les pays – principalement francophones – dans la demande, la mise en œuvre et le suivi des subventions allouées et sur l’environnement dans lequel travaille le Fonds mondial pour lutter contre le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme.

Quel impact la Covid-19 a-t-elle eu sur les pandémies de VIH-sida, de tuberculose et de paludisme ?

Aujourd’hui, avec plus de 18 mois de recul après l’émergence de cette pandémie qu’on appelle la pandémie du siècle, tous les programmes d’accès à la santé ont été impactés et pas seulement dans les pays en développement. Sur le VIH, on a moins diagnostiqué et on a moins traité que les années précédentes : par rapport à 2019, le dépistage du VIH a chuté de 22 % et le nombre de personnes touchées par les programmes et services de prévention du VIH a diminué de 11 %, et de 12 % pour les jeunes. L’impact de la pandémie a été catastrophique sur la lutte contre la tuberculose dans le monde. Cela s’explique par la forte contagiosité de la tuberculose : une personne qui a une tuberculose active et qui n’est pas traitée peut contaminer jusqu’à 20 personnes : diagnostiquer, traiter est donc indispensable sur le plan individuel mais aussi sur plan collectif, pour prévenir de nouvelles infections. En 2020, le nombre de personnes traitées pour la tuberculose pharmacorésistante dans les pays où le Fonds mondial investit a chuté de 19 %, le nombre de personnes sous traitement pour la tuberculose ultrarésistante de 37 %, une chute plus importante encore.

Le Fonds mondial, c’est un mécanisme de financement des pays. Sans argent, il est impossible de faire reculer les pandémies. Mais l’argent seul ne suffit pas. Il faut un accompagnement. Il faut qu’il y ait un appui aux ressources humaines des pays. Il faut un appui sur tous les goulots d’étranglement qui peuvent exister. C’est de ce point de vue que notre action est essentielle.

Éric Fleutelot, directeur technique du pôle grandes Pandémies au département Santé d’Expertise France
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Comment L’Initiative a-t-elle réagi face à la Covid-19 ?

Dès mars 2020, nous avons proposé des adaptations de nos modalités d’action, qui se sont traduites par un effort d’environ 4 millions d’euros comprenant des reprogrammations pour les projets qui étaient en cours. Nous avons également attribué des financements additionnels à certains projets pour qu’ils puissent adapter leurs activités au contexte Covid-19. Nous avons mis en place une douzaine d’assistances techniques en 2020 et une trentaine en 2021 pour aider les pays à accéder à des financements additionnels, dédiés à la réponse à la Covid-19. Cela représentait un coût d’environ 400 000 euros en 2020 et 2,5 millions d’euros en 2021. Nous avons le sentiment d’avoir été efficaces et réactifs mais nous attendons d’avoir davantage de recul sur la mise en place des activités de lutte contre la Covid-19 dans les pays concernés par notre appui. En complément, nous avons accepté de cofinancer un appel à projets de l’Inserm ANRS (l’agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales) qui a été lancé au premier semestre 2020, pour lequel nous avons cofinancé 6 projets pour 934 000 euros.

Quel est le rôle de L’Initiative ?

L’Initiative est née il y a dix ans, partant du constat que les pays francophones avaient des difficultés à accéder aux financements du Fonds mondial. Depuis, les mécanismes d’accès au financement du Fonds mondial ont évolué et L’Initiative s’est adaptée. Elle soutient maintenant à chaque cycle de financement du Fonds mondial entre 30 et 35 pays pour travailler sur les stratégies de lutte contre les maladies et pour mettre en place une concertation de tous les acteurs dans les pays, -ce qu’on appelle le dialogue pays- et ensuite pour écrire les requêtes de financement au Fonds mondial. Cette activité est complétée par des investissements dans des activités de lutte contre les trois pandémies dans les pays. C’est notre modalité de soutien à des projets catalytiques ; nous sommes bailleurs de fonds et nous soutenons des projets qui ont cette faculté de pouvoir faire évoluer les pratiques ou les politiques de santé publique, en intégrant fortement une approche genre sincère. Nous avons la flexibilité nécessaire et la capacité à prendre des risques et à montrer des voies innovantes, qui à termes pourront être financés par le Fonds mondial.

Et enfin, L’Initiative s’autorise maintenant une activité qui est plus politique, dans le sens noble du terme, par exemple en soutenant la circonscription africaine au conseil d’administration du Fonds mondial pour qu’elle puisse en toute indépendance s’appuyer sur des analystes, des rédacteurs, des conseillers politiques qui vont soutenir les pays africains à prendre des positions dans la gouvernance du Fonds mondial. Nous encourageons aussi la diffusion de l’information venant ou en direction du monde francophone, car il reste quand même toujours un peu mis à l’écart des grandes organisations internationales où la langue de travail est, quoiqu’on en dise, l’anglais.

Quelle est la stratégie de L’Initiative et ses grands enjeux ?

La stratégie de L’Initiative est récente, elle a été adoptée en 2020. Elle prévoit une mobilisation des compétences, avec de l’assistance technique tout en renforçant les compétences sur le terrain. On ne traite pas aujourd’hui le VIH ou la tuberculose comme on les traitait il y a dix ans. La prévention évolue et des tests de diagnostic rapide du VIH sont disponibles. Des automates de laboratoire plus faciles d’utilisation et donnant des résultats beaucoup plus rapidement permettent pour certains, de faire une quantification de la charge virale du VIH, ce qui est utile pour vérifier le succès d’un traitement. Ils permettent également de faire du dépistage, du diagnostic de la tuberculose et de la tuberculose résistante aux antituberculeux ; et ces automates donnent la possibilité de dépister la COVID ou le papillomavirus humain, ce qui est indispensable pour pouvoir mieux prévenir l’apparition du cancer du col de l’utérus chez les femmes vivant avec le VIH. Donc, les outils évoluent et L’Initiative doit aussi évoluer. Nous devons être capables de nous adapter et de répondre aux besoins évolutifs des pays. Nous servons les pays, leurs populations, la stratégie française en santé mondiale et ses valeurs, mais aussi le Fonds mondial qui nous reconnaît aujourd’hui comme étant un acteur clé, en particulier en Afrique de l’Ouest et Afrique centrale.